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Phytoépuration : à la recherche d'un souffle d'air pur

Cette tour d'épuration (prototype développé pour le programme « air extérieur »), a été installée à Fauville-en-Caux (76).PHOTO : AREXHOR SEINE MANCHE

L'institut technique de l'horticulture Astredhor Seine-Manche développe des modules végétalisés destinés à l'intérieur ainsi qu'à l'extérieur. L'organisme étudie leurs capacités à purifier l'air des villes comme celui des habitats grâce aux plantes.

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Lors de la traditionnelle matinée technique d'Astredhor au Salon du végétal, le mercredi 18 février, à Angers (49), Marc-Antoine Cannesan, d'Astredhor Seine-Manche, a décrit l'implication de la filière sur la thématique de l'épuration de l'air grâce aux plantes (*). Si le sujet n'est pas nouveau, il peut offrir de réelles perspectives pour la filière, avec des végétaux et des procédés sélectionnés pour améliorer la qualité de l'air au sein des villes et à l'intérieur des habitats.

1. UNE ÉPURATION ACTIVE

Les études sur les capacités épuratrices des plantes, engagées il y a une trentaine d'années, se sont longtemps focalisées sur l'appareil foliaire comme instrument d'assainissement de l'air. Or cette épuration par les feuilles, dite passive, est peu efficace, d'où les remises en cause de l'utilité des végétaux dans ce domaine. En réalité, leur action épuratrice est bien réelle, mais elle est moins due au système aérien qu'aux populations microbiennes qu'abritent leurs racines. Cette rhizosphère, qui vit en symbiose avec la plante, lui fournissant les nutriments dont elle a besoin et se nourrissant des sucres et autres substances rejetées par les radicules, constitue une véritable usine de transformation des molécules polluantes. Les travaux d'Astredhor Seine-Manche portent sur cette épuration, dite « active » : l'air pollué passe par convection forcée à traversle substrat et la rhizosphère, et est ainsi assaini par biofiltration.

2. POUR UN AIR PLUS PUR

Les végétaux combinent de multiples usages, et l'amélioration de la qualité de l'air constituerait un atout indéniable dans une société soumise aux pollutions de toutes sortes. Mais si des ouvrages (murs végétalisés...) ont déjà été mis en place en vue de limiter l'exposition des personnes aux polluants atmosphériques sur différents sites (stations d'épuration, parkings, gares...), la réelle efficacité de tels dispositifs n'a que rarement été évaluée. La station d'expérimentation Astredhor Seine-Manche, en coordination avec divers partenaires (université de Lille, Plant'air pur, société DFA Degrémont France Assainissement, Syndicat d'eau Fauville Ouest en Coeur de Caux, Plante & Cité, Premier Tech Falienor), travaille donc à développer et expérimenter des modules végétalisés, ensemencés en micro-organismes et ventilés. Elle étudie les végétaux les plus adaptés aux contraintes des installations et cherche à caractériser les performances épuratrices des solutions techniques mises en oeuvre.

3. PROGRAMME « AIR INTÉRIEUR »

Débuté fin 2014, le dispositif étudié se compose de trois supports métalliques accolés comportant chacun 16 plantes implantées dans un sac rempli de substrat. L'ensemble forme un module végétalisé de 48 plantes, d'une surface d'un mètre carré. Des tubes microporeux disposés dans chaque sac raccordés à une pompe contraignent l'air à traverser le substrat. Les espèces végétales testées sont : Tradescantia pallida, Nephrolepis obliterata, Hedera helix, Dracaena fragrans Ker Gawl., Chlorophytum comosum, Aglaonema commutatum, Spathiphyllum 'Sweet Chico' et Crassula portulacea. Pour la première série de tests, le substrat utilisé (Premier Tech Falienor) est composé de tourbe blonde irlandaise F1, de fibre de coco medium, de perlite moyenne, de fibre de bois WoodTech, avec de la chaux et 1,2 kg/m3 de Topsusbtrat 12-12-17 ; il est biotisé avec Mycorhize P-501 (Premier Tech) et Bacillus pumilus GHA 180 (Premier Tech). D'autres substrats et agents de biotisation seront étudiés durant le projet.

Adaptation des plantes et évolution des polluants

Les modules ont été végétalisés dans les serres expérimentales d'Arexhor Seine Manche de septembre à novembre, puis livrés en décembre 2014 à l'université de Lille. Pour évaluer leurs capacités à diminuer les concentrations en une gamme de polluants atmosphériques (**) dans des conditions proches de celles des habitations, ils sont placés dans une enceinte d'exposition ventilée de 8 m3. La source de polluants utilisée est du bâton d'encens. Cinq modalités sont testées dans l'enceinte polluée : sans substrat, sans plantes (témoin) ; avec substrat non ensemencé, avec plantes ; avec substrat non ensemencé, sans plantes ; avec substrat ensemencé, avec plantes ; avec substrat ensemencé, sans plantes.

Les tests visent, pour une part, à mesurer l'impact des polluants sur le développement des végétaux. À cet effet, les atteintes de la photosynthèse (mesure de la fluorescence de la chlorophylle grâce à un fluorimètre portatif) et de l'ADN (test des comètes) sont mesurées. D'autre part, l'expérimentation menée contrôle l'évolution des concentrations de polluants dans l'air. Les essais de départ, qui ont été entrepris au premier semestre, sont encourageants. Le comportement des plantes dans les modules est correct, que le substrat soit biotisé ou non, avec plus particulièrement une moins bonne adaptation d'Hedera helix et de Crassula portulacea. La modalité plantes + substrat biotisé accélère notamment la diminution de la teneur en CO de l'air. De nouveaux tests sont en cours pour conforter les résultats obtenus et en vue d'expérimenter de nouveaux micro-organismes.

4. PROGRAMME « AIR EXTÉRIEUR »

Le prototype développé pour ce programme, initié en 2012, est installé à la station d'épuration de Fauville-en-Caux (76). Il s'agit d'une tour végétalisée cylindrique de trois mètres de haut. Un ventilateur envoie l'air vicié au coeur de la tour par un tuyau d'alimentation avec un débit de 1 000 m3/h. L'air ressort en traversant le complexe sol (pouzzolane 15-20 mm, terre sablo limoneuse et matière organique) + racines.

Les essais évaluent le développement des plantes, leur réaction (sensibilité, résistance...) aux contraintes de l'installation et le pouvoir de désodorisation du procédé. Vingt-six espèces sont testées. Globalement, les végétaux ont montré une bonne résistance au cours des hivers successifs. Certains ont dû être replantés au mois de mai 2014 : Carex acutiformis, Carex riparia, Galium odoratum, Geum rivale, Luzula sylvatica. D'autres se sont montrés envahissants : Mentha aquatica, Eupatorium rugosum, Symphytum officinale. Le programme a permis de sélectionner les espèces les plus adaptées au procédé : Dianthus superbus, Iris pseudacorus, Carex riparia, Carex acutiformis, Rumex montanum, Rumex arifolius, Geum rivale, Lysimachia nummularia, Lythrum salicaria, Luzula sylvatica, Galium odoratum.

L'augmentation du pH ainsi que le tassement au cours du temps du substrat soulèvent la problématique du remplacement des plantes. Celui-ci reste néanmoins faible. Six cents plantes recouvrent aujourd'hui la tour, un seul ajout de 75 sujets a été réalisé en 2014 depuis son implantation. Un entretien régulier reste toutefois indispensable (notamment en période hivernale) pour garder un aspect esthétique. Les analyses révèlent une biomasse microbienne en diminution du haut vers le bas de la tour, peut-être due à un problème d'hydromorphie. Côté épuration de l'air, le dispositif laisse passer très peu d'odeur.

Après ces premiers résultats sur l'évolution des végétaux et du substrat, le second semestre est consacré à évaluer les capacités épuratrices du système (odeurs, composés soufrés).

Valérie Vidril

(*) Les présentations (en version PDF) des interventions sont disponibles sur le site www.astredhor.fr(**) CO, O3, NO, NO2, SO2, COV (composés organiques volatiles) dont BTEX (benzène, toluène, éthylbenzène et xylènes), particules.

Cette tour d'épuration (prototype développé pour le programme « air extérieur »), a été installée à Fauville-en-Caux (76).

PHOTO : AREXHOR SEINE MANCHE

Les modules végétalisés permettent l'épuration de l'air intérieur.

PHOTO : MARC-ANTOINE CANNESAN

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